Cours de Jeu de Carte #12 : Agir face au semi bluff

Apprendre à jouer au poker Introduisons cette leçon avec un exemple de situation qui se déroulerait lors d’une partie de Stud à 7 cartes. Votre main comprend une paire de valets. Nous en sommes au troisième tour de mise et l’adversaire ouvre. Il est certain que ce dernier possède une main de forte valeur : vous passez donc. S’il était certain que celui ci soit en train de bluffer, vous auriez relancé. Si vous saviez qu’il puisse vous battre avec deux paires mais que votre cote de pot est suffisante pour suivre, vous suivez aussi. Ces situations limpides impliquent une réaction qui paraît évidente. Qu’en-est il des situations plus complexes, plus ambigües ? Il pourrait miser avec une main de moyenne valeur tout en semi-bluffant…
Si le semi-bluff de l’adversaire est constant, s’il bluffe à tout les coups, vous n’auriez qu’à relancer pour le faire passer.

Or, l’adversaire en question est un petit malin, et vous n’êtes pas sûr des coups sur lesquels il bluffe et ceux sur lesquels il joue à la véritable hauteur de sa main. Il peut très bien avoir vraiment une main de forte valeur, en simuler une, la simuler puis finalement l’améliorer avec le tirage… Il est en fait quasimment impossible de savoir ce qui se trame derrière le jeu de l’adversaire. Il n’y a donc pas moyen de défense réel contre le semi-bluff, c’est pourquoi, au Poker, c’est une arme redoutable.

Bien sûr, il y a toujours des réponses au semi-bluff qui peuvent vous préserver des grosses pertes. La plus fréquente, face a un adversaire qui semi-bluffe, est de passer (d’autant plus si le montant du pot n’est pas réellement digne d’intérêt). Evidemment, cela peut impliquer que vous jetiez une main de bonne valeur qui aurait encore pu s’améliorer, mais il est tout de même préférable d’abandonner cette main, car en semi-bluffant, l’adversaire peut vous battre de différentes façons :

– il peut améliorer la main qu’il a semi-bluffée avec le tirage
– il peut se servir des overcards qui sortent pour vous inciter à vous coucher
– il peut avoir réellement la meilleure main

Il est donc clair que l’adversaire a le dessus : il y a trop de facteurs qui font qu’il puisse vous battre en semi-bluffant, si vous le suivez. Bien sûr, rien de plus énervant que de devoir jeter une main que vous saviez de forte valeur au départ. Nous allons voir à l’aide d’un exemple qu’au Poker rien n’est jamais sûr, puisque même quand les probabilités sont de votre côté, il vaut parfois mieux se coucher. Supposons que lors d’une partie, vous savez que l’adversaire a une chance sur deux de semi-bluffer (pour simplifier les calculs qui vont suivre, mieux vaut dire que dans 52% des cas, il use du semi-bluff, et dans les 48% restants, sa main est réellement bonne). Dans le cas où il semi-bluffe, vous êtes favori avec une cote de 6 contre 1. En revanche, si sa main est vraiment de forte valeur, disons que vous perdrez à chaque fois. Donc, vous êtes favori dans 52% des cas. C’est à peine plus de la moitié, mais devriez-vous vraiment suivre ses ouvertures? En fait, bien que beaucoup de joueurs (même chevronnés) commetront l’erreur de suivre, il vaut mieux passer (à condition que le pot ne soit pas très gros, sinon la décision doit être réfléchie plus longuement…). Mathématiquement, ces conditions signifient que dans 48% des cas, vous perdrez. Dans les 52% restants, vous pensez être favori avec une cote de 6 contre 5, autrement dit vous gagnerez 6 fois sur 11. Cela signifie que vous perdrez la moitié des cas où vous étiez favori, et presque tout les cas où vous ne l’étiez pas. En somme, vous gagnerez 29 fois sur 100. Votre cote de pot doit être au minimum de 2,33 contre 1 (ou 7 contre 3) pour suivre. Cote de pot difficilement possible dans les premiers tours de mises. Ce que l’on tire de ces calculs est qu’il est bien plus judicieux de passer.

Il est difficile d’agir face au semi bluff

Quoi de mieux qu’un exemple de situation concrète en Stud à 7 cartes pour illustrer le fait qu’il est parfois compliqué de se défendre contre un adversaire qui use du semi-bluff. Pour ce faire, nous allons reprendre l’exemple utilisé auparavant dans la leçon précédente, précisemment dans la section « L’intérêt du semi-bluff », et en inverser les mains. Vous possédez don une paire de 9 faces en bas, ainsi qu’un roi et un cinq visibles. L’adversaire a un valet et une dame de pique faces en haut. Au deuxième tour, alors vous ouvrez, votre adversaire relance. Il peut être sincère, il peut bluffer (ne rien avoir du tout) ou semi-bluffer (avoir une paire de dame ou de valets, ou quatres cartes de la même couleur). Face à un tel jeu, votre paire de 9 ne vaut pas grand chose. En somme, même s’il bluffe ou semi-bluffe, il est toujours en mesure de vous battre, mieux vaut donc ne pas suivre. Pour la suite de la démonstration, supposons que vous suiviez tout de même. Les deux cartes suivantes composent maintenant les mains de la façon suivante. Vous possedez une paire de 9, roi, cinq et as (pas de tirage couleur). L’adversaire a dans sa main valet, neuf et dame de piques faces en haut. Le 9 de pique qu’il vient de reçevoir confirme un possible tirage à couleur (voire un tirage à quinte). Ici arrive la démonstration de la troisième manière par laquelle l’adversaire peut vous battre : vous checkez car vous n’êtes pas en mesure d’ouvrir vu votre jeu, il relance, vous vous couchez. La carte menaçante qu’il vient d’obtenir lui a mis le vent en poupe. Vous ne pouvez que vous résigner à abandonner. C’est du moins l’action la plus raisonnable.

Un moyen d’action : la relance de semi-bluff

Dans l’exemple ci-dessus, vous avez vous-même usé du semi-bluff en essayant de faire croire que vous possédiez une paire de rois (plus forte que les éventuelles paires de valets ou de dames qu’aurait pu avoir l’adversaire). Lui-même a relancé derrière. Il a ici usé de la tactique la plus efficace contre votre semi-bluff : la relance semi-bluff, qui a d’ailleurs fonctionné puisque vous vous êtes couché.

Cette tactique de jeu est très lié avec le fait de voler les antes, qui est aussi une forte de semi-bluff. Au premier tour de mise, un joueur qui relance en simulant une main de forte valeur pour pousser les autres à se coucher et ainsi voler les mises de départ semi-bluffe. Voyons cette tactique au travers d’un exemple de partie en Razz. Précisons que dans cette variante du Poker, celui qui a la carte la plus haute ouvre. Dans cet exemple, vous possédez une carte basse affichée, et les deux cartes cachées sont un Roi et une deuxième carte basse : une main de peu de valeur, donc. Le semi-bluff est ici judicieux, car si vous relancez, soit la carte basse adverse se couche (et vous volez ainsi les antes) soit elle suit, et dans ce cas les choses se compliquent. Vu que votre relance était un semi-bluff et non un bluff pur, votre main a des chances de s’améliorer (au Razz, améliorer signifie que vous recevez une carte basse et que le joueur adverse en reçoit une haute). Si vous ouvrez au tour suivant, il abandonnera surement. Même dans l’éventualité où il suivrait, vous n’êtes ni favori ni outsider, puisque vous possédez tout deux trois cartes basses. Vous avez, avec les cartes à sortir, toutes vos chances d’obtenir la main la plus basse (objectif au Razz) et de remporter le pot.

En semi-bluffant, vous pouvez remporter le pot par trois voies différentes : soit en obtenant de l’adversaire qu’il se couche, soit en améliorant votre main grâce au tirage pour qu’elle soit meilleure que la sienne, soit en obtenant une carte qui lui semble menaçante, auquel cas il se couchera aussi. Ainsi, en relançant, ces trois manières différentes de gagner vous accorde la position de favori.

Les choses sont moins aisées si l’adversaire, au lieu de suivre simplement votre relancer, la sur-enchérit. Si vous n’avez pas de mains légitimes, vous devrez abandonner. Il en va de même dans le cas inverse, si l’adversaire semi-bluffe et que vous le contrez en sur-enchérissant, il sera forcé de jeter sa main. Bien sûr, suivre un semi-bluff n’est en aucun cas un moyen de défense. Car, en suivant un semi-bluff, vous prenez deux risques : celui de laisser l’occasion à l’adversaire d’améliorer sa main, ou de le laisser recevoir une carte menaçante qui vous pousserait à abandonner au final. Par contre, si vous relancez contre son semi-bluff, vous supprimez ces deux prises de risque. L’adversaire ne suivra votre relance que si sa main est réellement de forte valeur, si son bluff était pur (c’est à dire si sa main n’a aucune chance de gagner), il passera. De plus, avec votre relance, vous « intimidez » l’adversaire, qui hésitera à tenter le semi-bluff contre vous dans les tours à venir.

N’oubliez cependant pas que face à un adversaire qui semi-bluffe, dans la majeure partie des cas, le plus judicieux est de jeter sa main. Sauf si votre main mérite vraiment de rester dans le coup, auquel cas la seule défense valable est de relancer. A l’image d’un bon nombre de situations au Poker d’ailleurs, où suivre est le pire des choix, passer n’est pas rentable et où relancer est la meilleure des choses à faire.

Voyons un exemple de Hold’em où la relance est très efficace contre un semi-bluff (ce qui est souvent le cas dans cette variante du Poker). Votre main comprend As de trèfle et Dame de pique, une plutot bonne main pour un départ. Le joueur qui vous précède dans le tour de parole relance, vous pouvez alors légitimement vous douter que ce n’est qu’une tactique peut discrète pour tenter de voler les antes dès le premier tour d’enchère. Votre main étant d’une valeur plus que correcte, vous n’allez ni passer ni vous contenter de suivre. Il faut donc sur-enchérir. Cela vous sera, presque à tout les coups, rentable par la suite.

Relancer contre un semi-bluff apporte un avantage supplémentaire à ceux déjà pré-cités : vous ne voulez pas d’un adversaire qui use du semi-bluff à tout va. En contrecarrant ses semi-bluffs grâce à la relance, vous finirez pas l’en décourager.

Se coucher ou relancer ?

Passer ou relancer sont les deux seuls moyens de lutter contre un semi-bluff adverse. Comment alors décider de la tactique à employer? Se coucher, ou relancer? En règle générale, on admet qu’avec une main de très peu de valeur, voire de valeur nulle : il faut passer. Tandis qu’avec une main de forte valeur, il faut relancer. Si celle-ci est max et que vous voulez la sous-jouer pour gruger votre adversaire, contentez vous de suivre. Qu’en est-il alors des mains de valeurs intermédiaires (ni très forte, ni nulle) ? Les trois facteurs à prendre en compte pour faire votre choix avec ce type de carte sont les suivants: la probabilité que le joueur adverse bluffe, celle qu’il remporte le pot même s’il bluffe, et celle que vous puissiez le remporter s’il ne bluffe pas.

En fait, plus vous pensez qu’il y a de chances qu’il bluffe, plus vous avez de chances de le battre s’il ne bluffe pas, plus vous allez pouvoir relancer. A contrario, plus il a de chances de vous battre s’il bluffe, plus il faudra jeter votre main.

Parfois, il faut suivre

Il est quelques situations où, contre un semi-bluff, plutôt que de passer ou de relancer, il sera préférable de suivre. Prenons le temps d’énoncer ces trois exceptions particulières.

1. Le montant du pot est très élevé.

Dans ce cas, même s’il est probable que votre adverse bluffe ou semi-bluffe, face a un pot très bien fournit, il vaut mieux se contenter de suivre. Avec une main de forte valeur, il est hors de question d’accorder un pot d’une telle envergure au bluffeur, pas question donc de jeter votre main. La relance est elle aussi inutile, il y a peu de chances qu’un joueur chevronné passe face a un pot d’une taille importante, même un joueur qui bluffe ne peut laisser passer une telle chance de prendre l’avantage. Dans le cas où il aurait en fait joué sa main sincèrement, il va sur-enchérir votre relance. La dernière solution qui est donc la seule envisageable est de suivre son enchère, tout simplement.

2. Suivre sur un tirage

Beaucoup de joueurs de poker (notamment dans les variantes Hold’em et Stud) commettent l’erreur de relancer avec une main moyenne tout en sachant que l’adversaire a misé avec une main à tirage (autrement dit une main qui n’a pas encore aboutie). Relancer face a une main à tirage ne sert à rien, puisque son possesseur suivra ou sur-enchérira votre relance. Tout les effets escomptés de votre semi-bluff sont donc perdus. Si vous suivez, c’est la plupart du temps dans l’intention de relancer au prochain tour de mise, si aucune carte ne vient compléter le tirage de l’adversaire, cela évite dans le même temps de lui offrir une carte gratuite qui l’aiderait à améliorer. On peut justifier cette tactique de jeu par les probabilités. Admettons que vous ouvrez alors que deux cartes restent encore à sortr. Un joueur adverse relance votre ouverture. Il aurait une chance sur trois d’avoir déjà une main gagnante, et deux sur trois de posséder une main à tirage qui n’a pas encore été complétée. Cependant, du point de vue des probabilités, c’est lui qui part favori. Etant outsider, vous ne pouvez que vous contenter de suivre sa relance. La suite dépend de la carte qui s’apprête à sortir. Si celle ci ne complète pas son tirage, vous passez favori, puisqu’il ne reste plus qu’une carte à venir. Vous pouvez donc ouvrir. A l’inverse, si la carte sortie complète le tirage à quinte (ou à couleur) de l’adversaire, le mieux à faire est de checker, et s’il ouvre ensuite, passer (à moins que votre cote du pot justifie de suivre, dans ce cas n’hésitez pas).

3. La relance de semi-bluff retardée

Cette dernière exception est appliquée, le plus souvent, face à des joueurs très expérimentés dont on redoute et le bluff, et le talent (ceux-ci étant habitués aux techniques utilités généralement pour contrer le bluff, il faut redoubler d’ingéniosité). Prenons, pour illustrer ce dernier point, un exemple de partie en Stud à 7 cartes. Supposons que vous possédiez une paire de Dames, dont une cachée et une visible. L’adversaire relance, avec un Roi face en haut. Vu que vous le suspectez d’user du semi-bluff, vous vous contentez de suivre. Au tour suivant, les cartes sortantes sont peu menaçante, pourtant le supposé bluffeur n’hésite pas une seconde à ouvrir. Là, il faut absolument relancer. Avec cette relance, vous induisez l’adversaire en erreur, lui faisant croire que vous possédez peut être un brelan, ou mieux, un carré de dame, bref une main très forte. C’est ainsi que vous respectez le théorême fondamental, car s’il voyait vos cartes, il agirait différemment.

On résume

Nous avons vu qu’hormis trois situations précises, il est généralement préférable, face à un semi-bluff, mieux vaut passer avec des mains qui ne valent pas, sur l’instant, la peine de suivre. Si la main ne vaut pas d’être jetée, le mieux à faire est donc de relancer. Voyons, pour résumer le tout, une série d’exemples qui illustrent un par un chaque mode d’action possible face à un semi-bluff.

1) Cet exemple se déroule pendant une partie de Stud à 7 cartes, avec un pot dont le montant n’est pas très élevé. Votre main comprend une paire de 9 cachée, un dix et un 6. Le joueur adverse possède un dix et un roi de piques, il ouvre. Là, passer s’impose. Il y a trop de manière différentes par lesquelles il pourrait vous battre.

2) Toujours dans une partie de Stud à 7 cartes, cette fois-ci le pot est de taille moyenne. Vous possédez un roi et un cinq caché, et un roi, un huit et un trois visibles. L’adversaire tient en main un dix et une paire de 5 visibles. Il ouvre quand il touche sa paire de 5. Vous devez forcemment relancer, cela évite de lui payer une carte gratuite. S’il suit, il checkera au tour suivant et vous offrira ainsi une carte gratuite. De toute manière, étant donné que vous possédez l’un des 5 disponibles, il ne touchera pas de brelan.

3) Cette fois, l’exemple se déroule pendant une partie de Hold’em dont le pot n’a qu’un montant moyen. Vous possédez une dame et un dix de piques, le flop comprend un dix de coeur, un sept de coeur, un deux de trèfle. Vous misez, l’adversaire sur-enchérit. Pour faire votre choix d’action, il faut vous demander s’il possède une main meilleure que la vôtre (ce peut être dix-neuf, as-dix, roi-dix, deux paires, un brelan…). Les probabilités que l’adversaire vous batte sont donc nombreuses, le mieux à faire est de relancer, puis d’ouvrir à la carte suivante, pour effrayer l’adversaire (à moins que la carte en question ne soit un neuf, un valet ou un six). Par contre, s’il relance à son tour, il faut jeter votre main. S’il renchérit, c’est qu’il ne bluffe sûrement pas.

Face à un joueur qui bluffe peut-être, vous devez soit passer, relancer, sur-enchérir, suivre pour miser ensuite, suivre pour checker-relancer au tour suivant, suivre et checker-suivre au tour d’après, ou suivre puis passer si la carte sortie semble compléter la main que l’adversaire feint avoir. C’est en prenons la bonne décision parmi ces possibilités que vous vous distinguez en tant que joueur chevronné.