Cours de Jeu de Carte #10 : Le concept de la carte gratuite

Comme son nom l’indique, la « carte gratuite » ne côute rien à celui qui en bénéficie. Ce concept s’applique en général au Hold’em et aux Studs (bien qu’il soit aussi connu en Poker fermé, si le premier tour de mise n’a été fait que de checks) car ces variantes du Poker comprennent au minimum deux tours de mises. Souvent le joueur est confronté à la possibilité de la carte gratuite. Quand il a la meilleure des mains, il doit faire en sorte de ne pas donner de carte gratuite à son adversaire, ce qui impliquerait qu’il puisse voir une carte sans payer et ainsi pouvoir améliorer sa main : ce serait prendre trop de risque que d’offrir une telle occasion au joueur adverse.

Inversemment, quand un joueur n’a pas la meilleure main, obtenir une carte gratuite serait une aubaine. Nous allons voir, au cours de cette leçon, comment et pourquoi donner ou obtenir une carte gratuite, ainsi que les impacts que cela peut avoir sur le coup.

Donner cette carte gratuite

C’est votre tour de parole. Il reste encore des cartes à sortir. Si vous checkez au lieu de relancer, alors vous offrez une carte gratuite à l’adversaire s’il ne relance pas lui même et qu’il checke à son tour. Si, lors d’un tour, vous êtes certain d’avoir l’une des meilleures mains possibles, il faut que vous sachiez si vous avez intérêt ou non à donner une carte gratuite à l’adversaire. La leçon précédente expliquait qu’il était inutile pour vous de laisser une carte gratuite à l’adversaire si le montant du pot est très élevé. Il n’est pas non plus rentable pour vous de donner une carte gratuite quand la taille du pot n’est que moyenne. Vous pourriez vouloir lui en offrir une pour qu’il mise et ainsi faire grossir le montant du pot, mais restez raisonnable et contentez vous de ce que le pot peut offrir à ce moment. Inutile de prendre le risque que le joueur adverse améliore sa main jusqu’a ce qu’elle soit meilleure que la vôtre pour quelques dollars de plus.

Admettons que lors d’un coup, le montant du pot s’élève à 50 euros. Vous en misez 10, la cote du pot de l’adversaire est donc de 6 contre 1. En envisageant qu’il soit outsider à 5 contre 1, il devait suivre. Si l’adversaire n’a pas une cote de pot suffisante alors qu’il a le meilleur jeu, il perd de l’argent. En somme, vous êtes gagnant à long terme s’il se couche. Mais attention, le concept de la carte gratuite est plus complexe qui n’en a l’air. Admettons maintenant que le joueur adverse soit en fait outsider à 9 contre 1 avec une cote du pot de 6 contre 1. Dans ce cas, vous avez tout intérêt à relancer au lieu de checker, car vous souhaitez qu’il suive. Même s’il passe, vous êtes en fait gagnant : s’il vous checker vous lui laissez ses 10% de chances de toucher ses outs, alors que si vous relancez il se couchera. Comme expliqué dans la leçon précédente, donner une carte gratuite revient à offrir au joueur adverse une cote infinie. Voyons ce concept dans un exemple de Stud à 7 cartes. C’est l’avant dernier tour de mises et votre main comprend un brelan, tandis que vous pensez que le joueur adverse possède un tirage à quinte. Il serait donc outsider à 10 contre 1 pour obtenir ce jeu. De votre côté, vous espérez toucher un full grâce à votre brelan. Vous semblez évidemment favori sur ce coup. Pourtant, il vaut tout de même mieux relancer plutot que de checker, pour pousser l’adversaire à passer plutot que de lui offrir une carte gratuite. Il est d’autant plus préférable d’ouvrir plutot que de checker lorsque vous êtes favori mais de justesse.

Ainsi, si votre main est plutot forte ou si elle est max, il vaut presque toujours mieux ouvrir plutot que checker. Cependant, il existe trois situations dans lesquelles il serait préférable de ne pas ouvrir. Ces situations sont les suivantes :
– Votre main est max. Dans ce cas, et ce même avec un pot d’envergure moyenne, vous pouvez offrir à l’adversaire une carte gratuite. De toute façon, quelque soit sa main, il ne pourra pas vous battre.
– Le pot est très petit comparé à ce qu’il va être en avancant dans les tours de mises. Ici, il est préférable de dissimuler votre main ( et donc de checker) pour pouvoir en tirer de meilleurs profits en laissant passer un ou deux tours d’enchères, le pot n’en sera que grossit. Ce cas est le plus fréquemment observable en no-limit et pot-limit.
– Vous avez la possibilité de checker-relancer (ou check-raise). Nous verrons cette possibilité plus loin dans les leçons, mais en gros, cela signifie que vous checkez, que l’adversaire mise et que vous relancez derrière.

Nous allons voir maintenant, à l’aide d’exemples concrets, ce que donne le don de la carte gratuite en pratique. Ces trois exemples se déroulent pendant une partie de Hold’em et pour chacun, le pot est de taille moyenne. Ils vous permettront de voir, en réalité, les situations dans lesquelles il vaut mieux checker et celles où il vaut mieux relancer.

1ère situation : Vous possédez une paire de valet, et le flop comprend deux 10 et un 3. Vous devriez tenter de remporter le pot tout de suite, sachant que votre main n’est peut être pas la meilleure (un joueur adverse peut posséder un brelan de 10 ou pire, un full aux dix par les trois. Pour ce faire, il faut ouvrir et non checker (pour ne pas donner de carte gratuite à l’adversaire). De plus, si vous checkez, cela donne aux adversaires l’occasion de bluffer pour vous faire croire qu’ils ont les cartes pour vous battre et ainsi vous pousser à abandonner.

2ème situation : Le flop est le même (deux 10 et un 3). Cette fois, votre main comprend une paire d’As. Avec la meileure main possible, il est possible de checker au flop. Les cartes à venir semblent moins inquiètante qu’avec une paire de Valets. Il est d’ailleurs également préférable de checker au cas où l’un des joueurs possèderait un brelan de 10. D’autant plus qu’en checkant, vous dissimulez votre paire d’As. Quand vous pensez qu’une main inférieure à la vôtre va suivre, vous devez presque toujours miser. Miser est aussi valable lorsque le montant du pot est très élevé.

3ème situation : Le flop est : As de carreau, 8 de trèfle et 3 de coeur. La question que nous allons nous poser est la suivante : comment jouer avec une main comprenant deux valets? et avec une main comprenant deux rois? Avec deux valets, mieux vaut jouer offensif et relancer, car trop d’outs peuvent vous battre. Mieux vaut donc éviter de laisser une carte gratuite à l’adversaire. En revanche, avec deux rois, il vaut mieux checker, quelqu’un pourrait vous battre avec une paire d’As.

Pour faire simple, on peut considérer que vous ne devez pas donner de carte gratuite à un joueur adverse, même si sa main est moins bonne que la vôtre, car il pourrait l’améliorer gratuitement avec le tirage. Si vous pensez avoir une très bonne main et que vous souhaitez que l’on vous suive, misez. Vous pouvez aussi tenter un check-raise (cf. leçon n° 14). A moins que votre main ne soit max ou que le pot soit trop petit (dans ces cas-là vous pouvez sous-jouer), relancer toujours avec la meilleure main. N’oubliez pas que vous êtes grandement gagnant à long terme lorsque vous poussez l’adversaire à se coucher alors que sa cote du pot était suffisante pour suivre. Si sa cote du pot n’est pas suffisante, ouvrez même s’il compte passer. Il est plus rentable pour vous qu’il suive alors que c’est une erreur de le faire, mais le faire abandonner est plus judicieux que de lui donner la chance d’améliorer son jeu avec une carte gratuite.

Obtenir cette carte gratuite

Il est donc clair que donner une carte gratuite à l’adversaire n’est que très rarement bénéfique pour vous. En inversant les rôles, il est logique qu’avec une main marginale, obtenir une carte gratuite ne soit qu’avantage. Avec une carte gratuite, la main marginale que vous auriez jetée si l’adversaire avait checké peut s’améliorer en main de forte valeur. Les joueurs chevronnés ne vous donneront que rarement une carte gratuite, car ils savent que cela ne leur accorde aucun intérêt. Pour obtenir une carte gratuite de leur part, vous pouvez tenter de miser légérement en début de coup, en espérant qu’ils checkent au tour suivant, mais cette tactique n’est possible que si vous parlez après votre adversaire principal (elle est donc particulièrement efficace en Hold’em, car le tour de parole est définit d’avance). Il existe deux astuces en particuliers qui vous peuvent vous permettre d’obtenir une carte gratuite :

– Cette astuce était avant acceptée mais elle ne l’est plus maintenant. Elle consiste à ouvrir avant votre tour de parole, pour que l’adversaire checke, et ensuite annuler l’ouverture. Quand il checke, checkez aussi. A présent cette tactique n’est plus autorisée, car si vous parlez avant votre tour, vous devez maintenir votre enchère.
– La deuxième astuce tient plus de la manipulation psychologique. Pendant que le joueur adverse réfléchit à sa tactique, tenez ou mieux tripotez vos jetons pour faire croire que vous allez relancer. Il va finalement décider de checker, alors checkez aussi. Attention cependant, cette tactique ne fonctionnera qu’une ou deux fois. L’adversaire saisira vite votre petit manège et ne se laissera plus avoir.

Carte gratuite et position dans le tour de parole

Admettons qu’il ne reste que deux joueurs dans le coup. Un seul adversaire peut donc vous offrir une carte gratuite. S’il parle en premier et qu’il checke, si vous avez la meilleure main, relancez. Mais si vous n’êtes pas certains de la force de votre main, checkez après lui. Vous vous offrez donc une carte gratuite à vous-même! En revanche, si vous êtes le premier à parler et que vous checkez, c’est vous qui offrez une carte gratuite à votre adversaire. Libre à lui de choisir s’il l’accepte ou s’il préfère relancer. La position dans le tour de parole est donc importante dans le choix de la relance ou du check. En première position, vous pouvez ouvrir même avec une main que vous auriez checkée si vous étiez en deuxième position. Si votre adversaire a une main moins bonne que la vôtre et que vous checkez, il checkera ensuite. Il aurait mieux valut pour vous d’ouvrir. S’il a une meilleure main que vous, il relancera suite à votre check, ce qui empechera que vous vous offriez une carte gratuite.

La carte gratuite avec une main marginale

Si vous possédez la meilleure main, ouvrir est le plus facile des choix. Méfiez-vous cependant, car il est fréquent de croire qu’on a la meilleure main alors que si l’adversaire suit, c’est que sa main peut battre la vôtre. Plusieurs facteurs peuvent vous aider à faire votre choix (ouvrir ou checker) :
– vos chances de posséder la meilleure main de la table
– la taille du pot (plus le pot est gros, plus votre adversaire a de chances de vous battre à la sortie de la prochaine carte, plus il vous faut donc relancer)
– vos chances de battre une main qui était à la base meilleure que la vôtre. Admettons que vous craigniez que le joueur adverse possède une meilleure main que vous. Avant de relancer, il faut mesurer les chances que vous avez de pouvoir battre sa main au final. Plus vos chances sont élevées, plus vous avez raison d’ouvrir (et à l’inverse, moins vous avez de chances, plus vous devez checker). Voyons ceci avec un exemple de Stud à 7 cartes. Vous possédez deux paires qui peuvent s’améliorer en couleur. Vous envisagez que l’adversaire puisse avoir une suite. Ici, mieux vaut ouvrir que de lui offrir une carte gratuite, peut être n’a-t-il en fait pas de quinte (et même s’il en possède une, vos chances d’obtenir une couleur ou un full, qui battraient sa quinte, sont très fortes). Si vos deux paires ne pouvaient devenir une couleur, il vaudrait mieux checker qu’ouvrir. Voyons maintenant encore un exemple qui cette fois-ci se déroulerait lors d’une partie de Hold’em. Le flop est le suivant : valet, sept et trois. Entre les deux mains suivantes, pour laquelle est-il plus judicieux d’ouvrir : as et sept, ou paire de 8? En fait, contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, vous partez plus favori avec As/sept. Cinq outs peuvent améliorer cette main (les trois As et les deux sept), tandis que pour la paire de 8, seuls deux outs sont possibles (les deux huits restants). Moins il y a de moyens d’améliorer votre main, plus vous devez être persuadé d’avoir la meilleure des mains possibles avant d’ouvrir. Avec les deux huits, vous devriez checker. Si vous aviez eu deux rois, par exemple, vous seriez presque sûr d’avoir la meilleure main mais pas assez pour offrir une carte gratuite à l’adversaire, qui peut par exemple avoir une paire d’As.

On récapitule

Choisir entre ouvrir et checker est parfois une décision difficile à prendre, et les conséquences de ce choix peuvent complétement inverser la tendance de la partie. C’est donc un choix capital qui doit être dicté par un principe élémentaire : faire une erreur qui vous côute un pot est dramatique pour la suite du jeu, tandis que comettre une erreur qui ne vous coutera qu’une mise peut se rattraper au coup suivant. Par exemple, offrir une carte gratuite à l’adversaire peut vous couter un pot, dans le cas où cette carte améliore sa main au maximum ; tandis qu’ouvrir alors que l’adversaire à une meilleure main ne vous coutera que la mise actuelle. Nous l’avons vu tout au long de cette leçon, il est très rare qu’offrir une carte gratuite à l’adversaire vous soit avantageux. Ca ne l’est en fait que dans une seule situation : vous possédez la meilleure main, une main max ou une qui ne peut être que très, très rarement battue. Checker dans ce cas revient à camoufler cette excellente main, cela vous permet de toucher au final les mises que vos adversaires bluffés auront suivies.