Cours de Jeu de Carte #8: La dissimulation

Tout joueur aguerri s’est retrouvé ou se retrouvera un jour face a un problème récurrent du Poker : comment soutirer le plus possible de jetons à l’adversaire quand on a une bonne main ? Pour réussir une telle entreprise, il faut se référer au théorème fondamental du Poker de D.Slansky (cf. leçon 3). Pour rappel, ce dernier y explique que si vos adversaires « devinent » vos cartes et jouent comme s’ils les avaient vues, vous êtes perdant à coup sûr. Votre but est donc de les pousser à jouer différemment que s’ils voyaient votre jeu, et pour ce faire, il faut leur faire croire que vous possédez une autre main (moins bonne) que celle que vous avez en réalité.


Par exemple, il est bon de checker sur un brelan d’as plutôt que de miser, cela reviendrait à dire à vos adversaires « Couchez vous tout de suite, ma main est imbattable », et ça n’est pas ce que vous voulez d’eux. Il faut que les joueurs adverses croient que votre main n’est que moyenne, pour qu’ils misent et vous suivent. Votre gain à la fin du tour n’en sera que meilleur. Attention cependant à relativiser cet objectif, ne jamais miser sur de bonnes mains n’est pas une attitude probante. Cela s’est déjà observé dans les plus grands tournois de Poker. Un joueur qui sous-joue ses grosses mains pour pousser l’adversaire à suivre, et qui le fait à chaque bonne main, perd de sa crédibilité. A force de pratiquer un tel mode de jeu constant, ce même joueur fournit à ses adversaires des informations précieuses, leur permettant ainsi de lire son jeu de façon limpide aux tours suivants.

Quatre critères doivent vous aider à savoir quelle main dissimuler et comment le faire :

– La taille du pot. En règle générale, on admet que plus le montant du pot est élevé, moins il est nécessaire de dissimuler sa main. Les joueurs qualifiés se coucheront moins que les débutants, ils auront aussi moins tendance à vouloir vous bluffer s’ils croient, grâce à votre démarche, que votre jeu a peu de valeur.

– Le niveau de jeu des adversaires. Autrement dit « le degré d’expertise adverse ». Ce terme étrange vous permettra en fait de juger des mains que vous aller tenter de dissimuler et celles que vous aller jouer « honnêtement ». En réalité, tout dépend du niveau de jeu des joueurs adverses. S’ils sont qualifiés et expert en Poker, mieux vaut ne pas renchérir sur votre main de forte valeur en début de coup. A l’inverse, moins les joueur sont bons, plus vous pouvez renchérir pour les faire croire à une main meilleure que la leur.

– Le montant de l’enchère. Dans un tour où les enchères sont plus élevées que dans les tours précédents, il ne faut pas commettre l’erreur de faire une relance de trop faible envergure sur une main de forte valeur. La conséquence directe d’une telle action est que vos adversaires risquent de voir venir l’arnaque et de se coucher au tour suivant. Il est bien plus intéressant pour vous de sous jouer cette main. Par contre, dans le cas où les enchères augmentent beaucoup d’un tour à l’autre, il est possible de relancer sur une main marginale, dans l’objectif de donner aux adversaires la sensation que les enchères sont devenues trop élevées pour la valeur de leur main. De cette façon, vous adaptez votre dissimulation non pas au montant de la mise par rapport au pot actuel, mais bien par rapport au pot à venir. Il vous serait aussi bien possible de miser avec une main marginale dès le départ (en envisageant que vos adversaires chekeront plus tard et vous offriront par là même une carte gratuite, cf. leçon 10) que de checker avec une main de forte valeur (pour augmenter vos gains au tour suivant).

Il faut savoir que dissimuler dès les premiers tours sera bien plus facile dans les parties dont les limites ne sont pas fixées.

Au cours d’une partie, il est plus intéressant pour vous de checker et de vous faire suivre aux tours d’enchères suivants quand vous miserez gros sur une bonne main plutôt que de tenter en permanence de protéger votre argent.

– Le nombre de joueurs dans le coup. Plus ce nombre est élevé, plus cela vous coutera cher de dissimuler vos mains. Il vous serait trop difficile de pousser tout le monde à se coucher si votre main est de faible valeur. De plus, en laissant l’occasion à un grand nombre de joueurs de rentrer dans le coup à moindre coût, vous leur donner l’occasion d’améliorer leur jeu avec le tirage, et par là même vous leur donner une chance de vous battre. A l’inverse, dans les coups à deux joueurs, vous avez plus d’intérêt à dissimuler votre main. Pour comprendre cette logique, mettons nous en situation. Vous êtes dans une partie de Hold’em. Votre main de départ est idéale : une paire d’As.

– Premier cas : les limites sont fixes. Le joueur face à vous est très qualifié. Si vous relancez, qu’il relance à son tour, et que vous renchérissez à nouveau, il devinera que votre main est excellente. C’est pourquoi il est préférable dans ce cas de dissimuler votre main et de suivre, car si la relance continue, il finira par se coucher et vous n’aurez gagné qu’une mise, que vous pourriez décupler en dissimulant votre jeu.

– Deuxième possibilité : il est des situations où il y a peu d’importance à dissimuler votre main. Cette fois, le coup n’est pas limité. Un des joueurs sur-relance. Même si cela implique de révéler que votre main est de forte valeur, vous devez sur-relancer aussi. De toute façon, plus le montant du pot est élevé, moins vous avez d’intérêt à dissimuler votre jeu. Avec une telle main de départ, relancer aussi cher que possible est de bon augure.

On récapitule

En règle générale, en ce qui concerne la dissimulation, on admet que :
– plus le pot est petit et plus les joueurs sont bons, plus vous devez dissimuler votre jeu en début de coup.
– moins les joueurs sont bons et plus le pot est gros, plus vous devez jouer votre jeu tel qu’il est, sans dissimuler.
Attention cependant à certaines situations (notamment celles où vous êtes contre des joueurs très qualifiés qui savent que vous pouvez dissimuler votre main) qui implique que jouer honnêtement votre main est la meilleure des dissimulations. Ils croiront que vous dissimulez et joueront en conséquence alors que votre jeu est honnête, et c’est précisément ce que vous attendez d’eux (cf. théorème fondamental).

Vous devez dissimuler si :
– les joueurs adverses sont qualifiés et savent lire les cartes
– le montant du pot est faible par rapport aux mises à venir
– les enchères du tour actuel sont moins élevées qu’aux prochains tours
– vous jouez contre un ou deux adversaires au maximum
– vous sous-jouez une main idéale

Si trois de ces critères sont effectifs et que l’un des deux premiers (les plus importants) sont effectifs aussi, vous devez dissimuler.

Vous ne devez pas dissimuler si :
– les joueurs adverses ne sont pas qualifiés
– il y a plus de trois joueurs autour de la table
– le montant du pot ou des mises de départ est très élevé

De plus, il est primordial de miser gros sur une bonne main si le pot est conséquent. A une exception près : si votre main est idéale, qu’aucun autre jeu ne pourrait la battre et que vous êtes sûr qu’attendre le prochain tour pour relancer vous sera plus profitable.

Les leçons suivantes vous permettront de comprendre plus en profondeur dans quels cas le jeu sincère est préférable à la dissimulation, et inversement.