Cours de Jeu de Carte #6 : La cote explicite

Petit rappel sur le chapitre précédent. Il est, pour savoir si votre main vaut la peine de suivre une enchère, necessaire de comparer votre cote du pot avec votre cote d’amélioration. Cette méthode est relativement facile du moment qu’il n’y a plus qu’une carte à venir dans l’abattage et qu’il ne reste donc plus qu’un seul et unique tour de mise. Par exemple, avec une cote d’amélioration de 4 contre 1 et une cote de pot de 6 contre 1. Vous savez, grâce au chapitre précédent, qu’il vous faut suivre, la cote du pot étant supérieure à la cote d’amélioration.

En revanche, la cote du pot et la cote d’amélioration sont plus difficiles à évaluer quand il reste plus d’une carte à sortir. Cette évaluation doit être précise pour éviter de tirer mort et de prendre des risques inutiles. L’erreur la plus fréquente, dans ce cas, est de comparer sa cote d’amélioration avec la cote du pot actuelle. Or, les mises des prochains tours d’enchères doivent être prises en compte pour évaluer la cote du pot, c’est une erreur courante qui mène beaucoup de joueurs à l’échec. En fait, il faut savoir qu’avec les tours à venir, ces deux cotes vont être modifiée. La cote du pot se réduira tandis que la cote d’amélioration ira en s’augmentant au fur et a mesure du tirage. Au cours de cette leçon, nous allons apprendre, en quelques conseils, à anticiper la fluctuation de ces cotes.

Il reste plus d’une carte à sortir : diminuez votre cote du pot

Nous allons voir, à l’aide d’une mise en situation concrète, l’intérêt de penser sa cote non pas à l’état actuel mais en totalité du tour. Il faut évaluer le montant que l’on peut perdre par rapport à celui que l’on peut gagner avec ce tour. Est-ce que ce que vous prenez le risque de perdre vaut vraiment la peine en comparaison à ce que vous pouvez gagner? C’est là qu’intervient la cote explicite, qui vous renseigne sur ce point et permet d’évaluer les risques à prendre.

Imaginez une partie de Texas Hold’em à 10-20euros. Le flop vous offre un tirage couleur. Main qui, une fois obtenue, vous assure de remporter le pot. Le turn et la river ne sont pas encore tombée, votre cote d’amélioration est donc de 1,75 contre 1. Il n’y a qu’un seul joueur actif, il mise 10euros et le montant du pot s’élève a 20euros. Logiquement, vous vous dites que la cote du pot étant de 3 contre 1 et la cote d’amélioration de 1,75 contre 1, il vous faudrait suivre. Or, et c’est là que se pose le problème, la cote d’amélioration réelle serait de 1,75 contre 1 s’il ne restait qu’une seule carte à sortir. Le fait est que pour voir le turn et la river, vous devez suivre de 10euros à ce tour, puis de 20euros au tour prochain (en supposant que votre adversaire ne surenchérisse pas). Vous devez alors raisonner de la facon suivante : si vous perdez la main, vous perdrez au total 30euros de mise. Si vous la gagnez, vous remporterez les 50euros du pot. La cote n’est plus de 3 contre 1 comme vous auriez pu le penser, mais bien de 1,67 contre 1 (50 contre 30). Ce 1,67 contre 1 est ce qu’on appelle la cote explicite (on dit aussi « cote réelle »), pensée en terme de totalité du tour. Avec une cote réelle de 1,67 contre 1 et une cote d’amélioration de 1,75 contre 1, l’espérance mathématique est négative, vous l’aurez compris, il faut abandonner la main.

Retournons à notre bosse des maths pour étudier l’utilité de la cote explicite avec un exemple plus complexe. Toujours dans une partie de Hold’em, avec un pot dont le montant s’élève à 250euros, vous possédez un tirage à couleur dit backdoor (c’est à dire que les deux cartes à venir sont nécessaire pour completer votre couleur). Pour ne pas démoraliser les allergiques aux calculs, nous simplifieront la probabilité d’obtenir la couleur backdoor à 1/5 x 1/5 (en réalité, celle ci est de 10/47 x 9/46). La couleur est probable dans un cas sur 25. Vous êtes donc dans la mauvaise position d’outsider à 24 contre 1. Si un joueur mise 10euros, votre cote du pot s’élève à 26 contre 1.

Avec une cote d’amélioration de 24 contre 1,il serait logique de vous dire que cela vaut la peine de tenter le coup pour essayer d’obtenir la couleur tant désirée. Même erreur que dans l’exemple précédent, la cote que vous prenez en compte n’est pas la cote réelle. Vous devriez raisonner comme suit. Dans un cas sur 25, vous pouvez gagner 260euros. Quand la carte qui sortira ne sera pas propice à vous offrir la couleur, une vingtaine de fois probables, vous ne perdez que 10euros. Dans les quatre cas possibles restants, vous perdrez 30euros à chaque fois (10euros pour suivre le tour actuel, puis 20euros pour voir la carte suivante). Au total (allez, on s’accroche, ça n’est pas si compliqué que ça en a l’air), au bout de 25 coups, vous perdrez 320euros (200euros puis 120euros), et vous gagnerez 300euros. La perte s’élève à 20euros. L’espérance mathématique est donc négative. Ainsi, grâce à la cote explicite (ou réelle), vous savez que suivre après le flop est une erreur qui ne s’avère pas fructuante.

Quand la cote explicite ne s’applique pas

Il arrive parfois que vous n’ayez pas besoin d’évaluer la cote réelle et donc de prendre en compte les mises à venir pour calculer la cote du pot. Le plus souvent, on retrouve ce genre de cas dans des parties où la différence des enchères d’un tour de mise à l’autre est grande.

Voici les situations pour lesquelles la cote explicite ne s’avère pas utile.

– Première situation : soit vous, soit votre adversaire avaient fait tapis ou « presque » tapis. Cela est logique : si l’un de vous n’a plus d’argent pour suivre, la dernière carte sera gratuite (voir leçon 10 : « la carte gratuite »). Ici, la cote réelle est donc inutile. Pour évaluer votre situation, il vous suffira de comparer votre cote du pot actuelle et votre cote d’amélioration. Reprenons l’exemple ci dessus pour comprendre. Si vous ou le joueur adverse a fait tapis quand l’adversaire mise 10euros au moment du flop, et que vous suivez comme ci haut, votre cote du pot aurait été de 26 contre 1 pour une cote d’amélioration de 24 contre 1. Alors, dans ce cas précis de all-in, il aurait été bon de suivre pour obtenir la couleur backdoor. Attention toutefois, ça n’est pas parce que vous avez plus de chances d’obtenir la main désirée que cela vous garantit de remporter le pot : l’adversaire peut avoir une main meilleure que la vôtre, ne l’oubliez pas.

– Autre situation : pour une raison ou pour une autre, vous êtes certain que l’adversaire va checker au tour d’enchère suivant, ce qui vous donnera une carte gratuite (nous revenons alors à la situation précédente). Alors, ici, même si votre cote réelle vous dicterai l’inverse, vous devriez suivre. De même, vous ne devez dans ce cas prendre en compte que la cote du pot actuelle, la prochaine carte étant gratuite. Penser que l’adversaire va checker peut arriver dans deux cas : soit vous pensez qu’il ne possède qu’une main marginale, soit vous pensez qu’il ne suivra pas car votre jeu passé le pousse à croire que votre main est de forte valeur.

Nous l’avons vu, il est donc des cas où, même si la cote d’amélioration vous dicte d’abandonner la main, il est utile de suivre pour obtenir une carte gratuite. Mais attention, la gratuité s’arrète là, car si cette carte n’améliore pas votre main, il faut se résigner à abandonner. Comme d’habitude, illustrons cela avec une exemple concret pour mieux cerner cette possibilité.

Lors d’une partie de Hold’em, dont les mises sont de 10-50euros, vous possédez un tirage couleur grâce au flop. Le pot s’élève à 40euros. Le joueur actif ouvre de 10euros, vous allez donc miser 50euros au tour suivant. Suivre ces deux enchères revient donc à une cote réelle de 100 contre 60. Avec une telle cote réelle, il serait fou de persister avec un tirage couleur. Mais dans ce cas précis, la cote est de 5 contre 1 pour la première mise (10euros), cote supérieure à la cote d’amélioration. Ajoutez à cela les profits envisageables si la couleur tombe au turn ou a la river, et vous devriez suivre.

Cet exemple illustre le fait que pour décider de suivre pour obtenir une seule et unique carte, il ne faut comparer que la cote du pot immédiate et la cote d’amélioration à la carte suivante. Voyons, maintenant, comme calculer la cote explicite.

Le calcul de la cote explicite

Ici, pas besoin d’avoir la bosse des maths. Le calcul de la cote réelle est très simple.
Tout d’abord, il faut ajouter toutes les sommes nécessaires pour pouvoir suivre jusqu’à la dernière carte, ce qui vous donne le montant réel de ce que vous allez perdre si votre main n’est pas la meilleure. Puis comparez ce montant possible de pertes à celui que vous allez toucher si vous remportez le pot (le montant du pot à l’instant T ajouté à toutes les enchères à venir, y compris les vôtres).

On résume :

Ce que vous pouvez perdre (les mises nécessaires pour suivre jusqu’au bout) comparé à Ce que vous pouvez gagner (montant du pot plus les mises à venir).
Une fois n’est pas coutume, illustrons ce calcul avec un exemple. A l’instant T, le montant du pot s’élève à 100euros. Trois tours d’enchères de 20euros restent encore à venir. Votre cote réelle est de 160 contre 60 (si l’adversaire vous suit sur toutes les mises). Dans le cas où vous ne suivrez jusqu’au bout que si vous obtenez la main désirée, la cote explicite passe à 160 contre 40. Dans le cas où vous croyez que si vous obtenez la carte voulue à la river votre adversaire ne suivra pas au dernier tour, la cote réelle est de 140 contre 40 (simplifiée). Alors pour décider, vous devez comparer dès les premiers tours d’enchères votre cote explicite à votre cote d’amélioration. Si la première est supérieure à la deuxième, suivez jusqu’au bout. Si elle est inférieure, couchez vous.